Je suis allé visiter l’usine de canne du Gol (à Saint-Louis) il y a deux semaines, pendant le week-end de la fête de la canne. Du coup, je termine mon histoire sur le parcours de la canne à sucre. Je la reprends où je l’avais laissée, c’est à dire à la livraison de la canne à l’usine.
Soit l’agriculteur habite près de l’usine et livre directement la canne, soit il l’amène jusqu’à la balance la plus proche et ensuite, ce sont les cachalots (camions) qui emmènent la canne à l’usine.
Et c’est comme pour les céréales, un échantillon est prélevé (on parle ici d’une carotte) pour connaître le teneur approximative en sucre des cannes, et ainsi payer le planteur.
Si les cannes ont été coupées à la main (90% de la production réunionnaise – cannes entières), alors elles sont prédécoupées dès leur arrivée à l’usine. Par contre, si les cannes ont été récoltées à la machine, elles passent directement à la seconde étape.
Celle-ci consiste à défibrer les cannes avec un « shredder », sorte de gros tambour avec plein de couteaux. Ensuite, les morceaux de cannes passent dans des moulins (4 à la suite) pour extraire le jus.
Ensuite, on entre dans le « sauna » de l’usine, où il fait environ 45-50°C. Le jus de canne est chauffé puis chaulé pour récupérer les particules indésirables. Le tout passe dans des cuves de décantation pour extraire une partie des particules puis dans des évaporateurs pour concentrer le jus.
Et là, il fait une chaleur à mourir… Le jus extrait passe ensuite dans un énorme filtre en forme de cylindre dans lequel on créé le vide. D’un côté sort un jus déjà un peu concentré et clarifié, et de l’autre, les écumes qui seront redistribuées aux agriculteurs.
Le jus obtenu passe ensuite dans des appareils à cuire pour former les cristaux de sucre. Pour cela, on ensemence les cuves avec des cristaux de sucre pour que le sucre présent dans le jus puisse à son tour se cristalliser.
Une première cuisson, la « cuite A », donne du « sucre A », commercialisable directement en sucre roux (pour le marché réunionnais) mais majoritairement raffiné en métropole pour y être vendu (sucre blanc).
Les cristaux trop petits repassent dans les appareils à cuire : « cuite B ». On obtient alors du « sucre B », de couleur plus foncé et plus fort en goût, destiné à l’agroalimentaire mais pas à la consommation directe. Sur le même principe, il y a encore une « cuite C » et un « sucre C », très foncé, très fort et légèrement amer, mais celui-ci n’est pas destiné à l’alimentation humaine.
La séparation entre les cristaux de sucre et le jus restant se fait dans des centrifugeuses. Le jus obtenu à ce niveau est la mélasse. Sinon, le jus cuit (avant centrifugation) est aussi utilisé ici pour accompagner des crèpes ou du rhum par exemple. On en trouve peu dans les commerces mais il s’en vend encore à l’usine. C’est le « sirop la cuite », sirop presque noir, très épais, fort en goût, un peu caramélisé, légèrement amer (assez proche du « sucre C »).
Aucune perte n’est réalisée dans tout ce parcours. Les résidus de cannes sortant des moulins, ce qu’on appelle la bagasse, sont utilisés par l’usine thermique couplée à l’usine de canne pour produire de l’électricité. En échange, l’usine thermique renvoie de la vapeur à l’usine de cannes pour chauffer les jus.
Les écumes sont utilisées par les planteurs comme amendement, comme pour la betterave.
Enfin, la mélasse est utilisée en partie pour l’alimentation animale, mais surtout, et c’est le plus intéressant, pour faire le rhum. On parle dans ce cas de Rhum Traditionnel (la majorité à la Réunion), par opposition au Rhum Agricole élaboré directement à partir du jus de canne (rhum typique des Antilles).
Et je vous donne tous rendez-vous à Noël, au siège de Glaudinet, pour une scéance de dégustation… 😉 (si tout se passe comme prévu)
J’avais, il y a longtemps, visité la sucrerie d’Attigny. J’y avais entendu les mêmes termes concernant les procèdés de fabrication du sucre. Seule, la fin diffère. Alors, existe-t-il de l’alcool de betterave? et à quoi sert-il?
Excellent article digne d’un grand reporter Olivier, il y a vraiment de quoi satisfaire notre soif ….de connaissances 😉
et je ne sais pas, mais j’ai comme l’impression qu’il y aura beaucoup de monde au siège de Glaudinet ce Noël …
Espérons juste que tu pourras apporter « quelques échantillons » dans tes « bagasses »* 😉
* comme dirait un gars qui un « sseveu » sur la langue …
Bien sûr qu’il existe de l’alcool de betterave et c’est même tout à fait d’actualité avec le bioethanol* produit en France à partir de la betterave ou du blé
Traditionnellement l’alcool à 90° de la pharmacie, était produit je crois à partir de bettrave …
** mais je vais laisser à Jérome le plaisir de vous expliquer tout cela… 😉 chez « Beguin on Say » très bien le faire..
Il existe même du sirop de betterave: je l’ai vu noté dans les ingrédients d’une recette de gâteaux de Noël; c’était pour moi une découverte et je n’en ai jamais vu dans les rayons des magasins. Par contre, on y trouve maintenant le sucre spécial « chouquettes »! Merci Jérôme d’avoir obtenu de Béghin Say qu’il soit commercialisé en petits paquets !!!
Olivier, ton article m’intéresse beaucoup; il me reste toutefois une interrogation:comment des particules s’agglomèrent elles en cristaux , que se passe t’il lorsque des cristaux sont ajoutés dans les cuves à cuire ? j’imagine une réaction chimique mais un brin de curiosité reste à contenter… ❓ .
Cela me fait penser à la fabrication de caramel parfois un peu délicate: rajouter du sucre en cours de cuisson fait cristalliser l’ensemble; il ne reste plus qu’à recommencer avec de bonnes proportions dés le départ
Annemarie
Petit problème d’émoticon: je ne parviens pas à faire le point d’interrogation; c’est grave docteur ? ❓ …la 3ème partie(:) ne se transforme pas….
Annemarie
Tiens, ça a marché!! Etrange ❓ .
Anne-Marie il faudrait que Vincent – il est chimiste non 😉 te fasse un petit topo sur les mécanismes de la cristallisation,
c’est assez complexe et passionnant à la fois
Mélie, je ne suis pas spécialiste de la cristallisation, mais ce que je peux dire, c’est que l’ajout de petits cristaux (10 µm) dans les appareils à cuire permet l’agglomération du sucre présent dans la masse cuite. Peut-être qu’un spécialiste en cristallisation peut apporter des précisions sur le mécanisme…
En tous cas, c’est le même phénomène qui se passe dans ta casserole quand tu fais du caramel. Des cristaux de sucre ont tendance à se former sur les parois (chaudes) à partir des goutelettes qui y sont projetées. Mais là, Valentin pourrait certainement en dire plus… 😉
un cristal de sucre : »Candi-tu Anne-Marie 😉
moi « gemme »* bien 🙂
Connaissant tes penchants artistiques, j’ai pensé que tu serais plus sensible à l’observation d’un cristal, qu’à l’explication du phénomène de cristallisation
A l’état solide (cristallisé), le saccharose ou sucre est un corps sans couleur ni odeur, qui possède bien entendu une saveur sucrée. Il cristallise sous forme de prismes anhydres (dépourvus totalement d’eau), dont les axes de symétrie sont légèrement inclinés (système cristallin monoclinique, pour les puristes). En théorie, un cristal de sucre parfait est un prisme à 15 facettes ; sur un sucre candi (cristal géant) ou sur un « grain » de sucre cristallisé vu à la loupe, on peut observer aisément 8 à 10
Si tu tiens absolument à la théorie de la cristallisation, je peux faire un effort …
*je ne peux m’empêcher d’y rajouter mon « grain de sel « 😉
Merci Bernard; et à présent, à défaut de diamant, j’observerai des cristaux de sucre parfaits
Annemarie
Anne-Marie je te verrais bien avec « une rivière de sucres candi » : ce serait d’un chic 😉 *
d’autant plus qu’avec les fabrications traditionnelles il y a déja une ficelle…
ce serait pratique pour la mettre autour du cou
* sans l’ambre d’un doute
Ce pourrait être très chic mais à ne pas arborrer sous les rayons ardents du soleil ni près d’une cuisinière en surchauffe au risque d’attirer les abeilles !
Alors là, Bernard, présentée ainsi, et à défaut d’une « rivière d’ambre véritable »(ma pierre préférée), j’accepte la « rivière de sucres candi », qui me sierrait (?) à merveille sans « l’ambre d’un doute » 😉
Annemarie
avec le sucre on peut avoir des cadeaux très “raffinés”
mais connaissez-vous le mascobado ?
Ce sucre de canne “complet bio et équitable “des Philippines, son odeur passe à travers l’emballage. Il ne se contente pas de sucrer, il donne du goût aussi.
Je me permets de vous le recommander 😉
En fait, son goût vient du fait que la mélasse est toujours dans le sucre. Je n’en ai jamais goûté personnellement, mais ça doit ressembler à du sirop la cuite cristallisé.
Questions à Olivier notre « expert canne »
lA la Réunion la canne subit-elle beaucoup de traitements phytosanitaires :
– herbicides
– insecticides (quels ravageurs )
– fongicides
y aurait-il moyen de valoriser de la canne bio ?